Management Packages

Date. 13 janvier 2025
Catégorie. Legal Strategy2

Management Packages : le grand frisson fiscal de 2025

En ce début d’année 2025, le sujet des management packages — dispositifs permettant à des dirigeants et cadres clés de co-investir aux côtés de fonds d’investissement — est plus brûlant que jamais. À la suite de décisions de justice marquantes en 2023 et 2024, la loi de finances 2025 et une administration fiscale toujours plus vigilante viennent rappeler que, lorsque la “prise de risque” du manager paraît artificiellement réduite, la requalification en rémunération impose des conséquences fiscales lourdes. D’où l’absolue nécessité, pour dirigeants et investisseurs, de concevoir et documenter soigneusement ces montages.

Pourquoi 2025 marque un tournant

La montée en puissance des contrôles
La Direction générale des Finances publiques (DGFiP) intensifie ses vérifications, en s’appuyant sur des échanges de données automatisés, tant au niveau national qu’européen. Les opérations de LBO et de levées de fonds, couramment associées à des management packages élaborés, sont particulièrement ciblées.

Une jurisprudence de plus en plus exigeante
Les décisions prononcées en 2023 et 2024 ont majoritairement donné raison à l’administration dans des dossiers où le risque réel supporté par le dirigeant semblait insuffisant. Plusieurs pourvois en cassation encore en cours pourraient resserrer davantage les critères, renforçant la prudence en 2025.

Pression sur l’attractivité
Dans un marché compétitif où les fonds cherchent à attirer les meilleurs talents, proposer un package séduisant est essentiel. Mais face au spectre d’une requalification, il devient indispensable de trouver un équilibre entre incitation forte et justification économique solide.

Le pacte d’actionnaires au centre du jeu
Au cœur du management package, le pacte d’actionnaires (parfois nommé pacte d’associés) organise la relation entre managers, dirigeants et fonds. C’est lui qui fixe les conditions d’entrée, les droits, les obligations et les sorties éventuelles.
Clauses de rachat/vente de titres : Elles déterminent le prix et les conditions de sortie pour le dirigeant. S’il bénéficie d’un mécanisme de rachat quasi automatique et sécurisé, l’administration y verra plus volontiers un avantage salarial déguisé.
Clauses d’anti-dilution : Elles protègent la quote-part du manager lors des augmentations de capital. Jugées trop protectrices, elles peuvent suggérer que le dirigeant n’assume pas d’exposition réelle au risque de marché.
Clauses de good/bad leaver : Elles définissent le traitement du dirigeant en cas de départ volontaire ou forcé. Une clause trop bienveillante (permettant par exemple un rachat à très bon prix même en cas de départ fautif) est susceptible de faire basculer le package dans la catégorie des rémunérations.

L’équilibre fiscal : entre plus-values et traitements/salaires

Les risques de requalification
L’administration cherche à identifier si le dirigeant court effectivement un risque de perte en cas de baisse de valeur de l’entreprise. Sans preuve tangible (par exemple, une participation significative non protégée par des clauses trop avantageuses), l’argument “plus-value d’actionnaire” perd en crédibilité.

Conséquences financières lourdes

Taux d’imposition plus élevé : La requalification en traitements et salaires est soumise au barème progressif de l’IR, souvent moins favorable que la flat tax ou l’abattement sur les plus-values de titres (le cas échéant).

Charges sociales et pénalités : Les ajustements peuvent affecter aussi bien le bénéficiaire que la société, auxquels peuvent s’ajouter des intérêts de retard et des majorations.

Impacts sur la trésorerie et la réputation : Un redressement fiscal massif peut grever sérieusement la rentabilité de l’opération, tout en jetant une ombre sur l’image de l’entreprise ou du fonds devant partenaires et co-investisseurs.
La documentation, pierre angulaire du dossier
Pour s’opposer à une requalification, il faut justifier minutieusement chaque élément du montage. Pourquoi telle décote ? Quelle est la véritable exposition du manager aux fluctuations du marché ? Quelles sont les modalités de sortie ? Chaque clause doit être défendable pour prouver l’existence d’un risque entrepreneurial réel.

Les bonnes pratiques pour sécuriser le montage

Anticiper dès la genèse
La phase de due diligence fiscale doit être effectuée dès que le projet de management package prend forme. Attendre la finalisation du pacte pour se pencher sur les aspects fiscaux expose à de coûteuses déconvenues et retards.
Éviter les “copiés-collés”
Même si un montage a bien fonctionné dans une autre opération, cela ne garantit pas sa pertinence dans un contexte différent. Le secteur d’activité, la taille de l’entreprise, l’objectif de la levée de fonds, l’implantation internationale… Chaque paramètre doit être pris en compte pour une structuration sur mesure.
Limiter les clauses trop protectrices
Les engagements de rachat systématiques ou les clauses de garantie inconditionnelle sont des portes grandes ouvertes pour l’administration. Mieux vaut un mécanisme plus équilibré, qui prouve qu’une contre-performance de l’entreprise impactera réellement la participation du manager.
Documenter la logique économique
Simulations : Présenter des scénarios de performance et de sous-performance, montrant l’impact sur la valeur détenue par le manager.
Justifications chiffrées : Démontrer que les décotes, les clauses de ratchet ou les conditions de sortie répondent à des réalités de marché (niveau de risque, valorisation de référence).
Pacte clair et cohérent : Plus un pacte est transparent, plus il sera facile de convaincre l’administration et d’éviter le soupçon de montage artificiel.

Perspectives pour 2025… et au-delà
Décisions judiciaires en attente
Plusieurs appels et pourvois en cassation doivent être jugés dans les prochains mois. Ils pourraient renforcer encore l’exigence de “prise de risque substantielle” ou, à l’inverse, introduire un assouplissement ponctuel selon les circonstances.
Concurrence européenne
Certains États membres de l’UE proposent des régimes fiscaux plus attractifs pour les management packages, tandis que d’autres durcissent leur législation. Les fonds évoluant dans un contexte multi-juridictionnel doivent composer avec une harmonisation partielle et des divergences qui peuvent compliquer la structuration.
Pression sur les fonds d’investissement
Dans un environnement concurrentiel où chaque candidat cible est disputé par plusieurs acquéreurs, proposer un package compétitif reste crucial. Mais l’incitation doit désormais être finement calibrée pour ne pas virer au cadeau fiscal réprimé par l’administration.

Conclusion
Les management packages restent un important levier pour aligner les intérêts entre les équipes dirigeantes et les investisseurs, tout en stimulant la performance. Mais en 2025, plus que jamais, ils nécessitent une approche nuancée et rigoureuse. Des clauses pactes trop généreuses, une logique économique peu convaincante ou une documentation bâclée risquent d’entraîner une requalification fiscale lourde de conséquences.
Pour éviter que l’opération ne se transforme en piège (coûts financiers, perte de crédibilité, contentieux), la clé réside dans l’anticipation et la personnalisation. Chaque montage doit être pensé dans ses moindres détails, depuis la définition du niveau de risque jusqu’à la rédaction du pacte d’actionnaires. À la croisée de la fiscalité, du droit des sociétés et de la gouvernance, la structuration fine d’un management package devient le gage d’une relation solide entre dirigeants et investisseurs — sans mauvaise surprise en bout de course.